CES BOBOS DES VILLES QUI FANTASMENT LA CAMBROUSSE

« Nouvelle génération paysanne »

C’est le nouveau snobisme de pas mal de citadins paumés actuellement:  se faire passer pour un bouseux. En gros, les gars prônent un retour actif à l’essentiel, au terroir, aux traditions, à l’art de vivre rural.
Enfin, quand on dit actif… ça se passe plus sur les tabourets d’une cantine bio du onzième que dans un champ de maïs à 6 h du mat, on va pas se mentir.
Non contents de vouloir bouffer bio, d’être écolos, de s’alimenter en circuits courts et autres arnaques sémantiques et logistiques, ils vont plus loin désormais. Ils se prennent carrément pour des paysans. Complètement brisés psychiquement par la vie urbaine, il sont devenus plus royalistes que le roi, et développent un véritable culte à la terre, aux champs, bref à la campagne, dont ils adoooorent les soi-disant valeurs: slow life, slow food, authenticité, simplicité…

Le pire, c’est qu’à force de s’intéresser, ils sont devenus pointus, les cons! Parfois même  bien plus que le paysan du coin avec son CAP, son litron de rouge et son savoir empirique.
Alors ça monte des fermes coopératives éco-responsables, ça part en fermaculture, en vin bio…Mais attention: toujours en restant stylés, par contre. Avec la marinière un peu usée, les bottes cools et le petit chapeau de paille sympa. Pas question de se retrouver avec le gros pif tout rouge et les mains caleuses, non plus, faut pas abuser.

Evidemment, pas besoin d’être Bourdieu pour comprendre que ces jeunes urbains se font une projection bien à eux du truc: la campagne, certes, mais à leur sauce. Un genre de version améliorée, esthétisante. Fantasmée, tout simplement. Dans leur trip néo-naturaliste, pas de place pour les chasseurs bourrés racistes, les ados à crête qui tournent en mob autour du terrain de foot, ou les pédophiles qui se baladent en forêt. Pas white-trash pour un sou, leur campagne à eux est bucolique, inspirante.

Niveau bouffe, les gars sont devenus fous. La bonne chair, l’art de vivre, ça les obsède. Il en parlent avec un vocabulaire toujours plus sophistiqué, à mi-chemin entre « Top Chef »  et « Silence ça pousse »: ainsi, les gars ne cuisinent plus, ils « travaillent le produit ». Ok.

Alors c’est pas nouveau, on avait déjà parlé d’un exode urbain des hippies, partis élever des chèvres dans le Larzac  au début des seventees. Mais c’était différent, parce que les mecs partaient vraiment la-bas vivre comme des marginaux ruraux crasseux.
Non, le bobo il aime bien la campagne, mais depuis la ville. A petite dose. Les week-ends, et un peu des vacances, éventuellement. Et le dimanche, on repart après le déjeuner pour éviter les embouteillages et pouvoir mater Capital spécial « le marché du bio » tranquille à la baraque.Sweat coin-coin

Niveau business, ce sont les pigeons idéaux, notamment pour les restaurateurs.
Tu leur ouvre un rade dégueu, ils sont contents les mecs. Ils adorent les trucs « dans leur jus » Et tu peux leur servir une vieille soupe aux légumes de saison à 12 balles l’assiette, ils sont ravis !
A noter que beaucoup de restaurateurs visiblement conscients du filon, surjouent la carte du terroir, se vantant d’aller chercher eux-même les produits à la ferme, exclusivement auprès de petits producteurs de confiance. Bientôt ils te diront qu’ils ont déterré eux-même les patates. Excuse-nous, si Rungis c’est trop commercial pour toi. A les entendre, ils ont tous grandi dans les champs, avec une grand-mère qui leur préparait des soupes au potiron. Arrête.

Quant à nos bobos-fermiers, autant dire qu’ils sont d’une condescendance totale avec les populations locales, en mode suceur je-suis-des-vôtres mais par contre ne me parle pas trop stp tu sens un peu mauvais le purin et la sueur.
Bon, pas besoin d’épiloguer, les gars sont paumés.
Il se trouvent une marotte et la poussent au max, comme le running ou les tatouages. C’est toujours le même problème avec le blanc des villes .
Tout hobby devient une passion, et toute passion une obsession.Peuvent pas kiffer normalement les mecs, faut qu’ils se spécialisent à outrance. Même quand c’est inconvenant et grotesque.
En ce moment, ils surjouent l’hédonisme. On se calme, c’est juste une courge et du kale dégueulasses mixés, arrête de t’extasier.

Alors comment leur dire, qu’on se fait chier de ouf à la campagne?
Que les jeunes veulent tous se barrer de ces trous oubliés où il ne se passe rien?
Que pour trouver un brunch qui sert du guacamole et du Spritz, c’est pas là-bas?
Un peu comme ces gens qui disent « J’adore la Corse ». Non. Tu adores la Corse l’été, nuance.

Pas besoin finalement. Ils le savent bien au fond, et même les plus téméraires finiront bien par revenir en ville pour pouvoir se faire un spa ou une expo sympa.

Allez, bonne chance à eux.

 

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